Je me suis toujours demandé pourquoi en France on dit "c’est simple comme bonjour" pour exprimer que quelque chose est facile. Simple comme bonjour ? Mais il n’y a rien de plus compliqué que de se dire bonjour en France ! Surtout pour un étranger. Car les Français ne se disent pas juste "Salut", ou ne se contentent pas de se serrer la main comme les Allemands, ils se font la bise !
Et faire la bise, c’est tout un art. Celui qui ne l’a pas appris dès le plus jeune âge comme les petits Français "Allez, fais une bise à tata Géraldine !" a souvent l’air maladroit. Un peu raide, l’étranger se penche en avant, lèvres pointues et bras ballants, n’osant pas toucher l’autre, ne sachant pas par quel côté commencer, incertain s’il faut poser les lèvres ou faire comme si on embrassait l’air … Ne riez pas, les pauvres élèves allemands en échange scolaire connaissent tous ce terrible moment de gêne quand ils se trouvent face à leur famille d’accueil et que tout le monde n’a qu’une idée en tête : leur faire la bise !
Pour faire la bise on doit se poser quatre questions : Quand ? Qui ? Comment ? Combien ? Quand ? Quand on se retrouve pour les loisirs, parfois le matin au travail et toujours quand on arrive chez des amis. Il est évident que le temps d’embrassade est proportionnel au nombre d’amis. Si vous débarquez dans une soirée où se trouvent déjà 15 personnes, vous avez le temps de mourir de faim avant de passer au buffet. Les Allemands qui ont l’habitude de faire juste Hallo avec la main trouvent ça toujours un peu fastidieux.
Qui : Il faut prendre en compte le lien familial, amical ou professionnel, l’âge et le statut de la personne. Par exemple, on ne fait pas la bise à son supérieur hiérarchique. Ou plutôt, on attend que ce soit lui qui vous la propose. Mais on s’embrasse abondamment entre collègues. Les hommes, ça dépend : ils s’embrassent parfois quand ils sont amis ou membres de la même famille, mais pas toujours. Entre jeunes, on s’embrasse beaucoup, et les garçons semblent s’y mettre de plus en plus.
Comment : La bise crée une promiscuité immédiate, c’est un reniflement animalier et aussi une bonne base pour draguer. L’intensité, la durée et la conviction qu’on met dedans sont donc variables, et il faut se confier à son feeling. Si on ne connaît pas bien la personne, il est conseillé d’agir avec retenue.
Combien ? Ah, nous voilà arrivés au problème du nombre ! Les Parisiens en font 2, les Montpelliérains 3, à la Turballe on en fait 4, dans le Gard c’est 3 et ainsi de suite. Quand on ne sait pas d’où vient une personne, on peut facilement vivre un moment de flottement déstabilisant. Car il est très désagréable de tenter une troisième bise quand la personne visée se détourne déjà. Ou de s’arrêter après deux bises quand l’autre meurt d’envie de vous en faire quatre. Mais j’ai remarqué que même les Français ne savent pas avec précision combien de bises on fait selon les régions. On me dit qu’à Strasbourg c’est 2, puis 3, puis 2… Un originaire de Nemours affirme qu’ils en font 4, d’autres me certifient que c’est 2. Pourquoi ces incertitudes ?
C’est qu’il y a un problème de classes sociales. En France, il faut savoir, il y va toujours de la distinction des classes sociales : pour faire court, on pourrait dire que les bourgeois qui sont souvent radins, on le sait, se contentent de deux bises tandis que les prolos ne comptent pas et s’arrêtent rarement avant 4.
Bref, tout ça rend la vie compliquée aux étrangers qui ne savent jamais trop comment se comporter. Moi, je trouve que les Français devraient éditer une petite "Carte de France de la bise", qui indiquerait, région par région et classe sociale par classe sociale, le nombre de bises qu’on est censé faire lors de ses déplacements en France ! À mon avis, ce serait aussi utile aux touristes qu’aux autochtones !
COMBIEN DE BISES ?
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